Jean-Paul Desroches avec la collaboration de Huei-chung Tsao et Xavier Besse
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Évolution des styles Les Song du Nord (960-1126) et les Song du Sud (1127-1279)

Les Song du Nord (960-1126) et les Song du Sud (1127-1279)

Verseuse à décor floral, dynastie Song du Nord, G 5119 © Musée Guimet, Paris, Distr. Rmn / Image Guimet

Sous les Song, les céramistes sortent définitivement de l’ombre. Désormais leurs créations, qu’il s’agisse des subtils grès à couverte céladon ou des porcelaines blanches au revêtement satiné, ces ouvrages sont accueillis par l’élite chinoise comme des œuvres de haute qualité. Souvent considérés comme des chef-d’œuvres de l’art universel, les céramiques song résultent du croisement de plusieurs composantes. Elles sauront admirablement tirer parti de plus d’un millénaire de progrès techniques en quête d’un matériau résistant et d’un revêtement parfait. Les arbitres du goût d’alors, les lettrés néo-confucéens vont orienter les potiers en direction d’un esthétisme dépouillé. Loin des critères tang aux morphologies complexes empreintes d’exotisme, l’art des Song préfère l’épure des formes et le dan, l’insipide c’est à dire « le goût de l’eau de source ». Il s’inspire des éléments de la nature les transcende cherchant à saisir leur essence et à traduire le li le principe organisateur du monde et le qi le souffle qui l’anime. Ces créations issues d’un équilibre fragile entre l’homme et la matière côtoie l’indicible manifeste par la pureté du corps et le mystère des couvertes. Certaines de ces pièces iront jusqu’à servir de dépôt de fondation dans les temples atteignant un statut sacré, d’autres, gagneront les cabinets d’étude des lettrés, d’autres encore, plus nombreuses, destinées à une clientèle raffinée entreront dans l’usage quotidien. C’est tout un répertoire nouveau qu’engendreront les créateurs song des objets usuels souvent de dimension modeste aux proportions raffinées. Ils refléteront les intérêts d’un siècle intellectuel notamment par l’engouement pour l’archéologie qui met au jour des bronzes et des jades archaïques, dont les formes les inspireront, vases gu, zun ou gui, des décors, motifs de leiwen, pushou ou taotie, des patines... Les arts du pinceau sont au centre des préoccupations des Song et se caractérisent par un traitement au lavis monochrome libre et nerveux. Les potiers transcriront cet esprit soit par des incisions vigoureuses dans la pâte soit directement au pinceau à l’aide de brun de fer imitant le noir de l’encre.

Au début du règne des Song du Nord (960-1126), ce vocabulaire morphologique et stylistique est principalement exploré dans les fours de la partie septentrionale qui pour certains, bénéficient de la protection impériale et produisent des céramiques officielles. Vers la fin du xe les Ding, légers et à couverte délicatement teintée ivoire sont probablement les premières porcelaines à pénétrer à la cour. Néanmoins ils eurent à souffrir de la concurrence des céladons des fours de Yaozhou qui semblent avoir été en usage au palais entre 1078 et 1106. Leur couverte translucide d’un vert olivâtre recouvre un décor profondément incisé qui du fait de l’accumulation de la couverte produit des jeux d’ombres. Vers 1110, des pièces extrêmement raffinées, les céladons ru produits dans un premier temps à Baofeng au Henan, vont détrôner les Yaozhou. Il semble que l’empereur Huizong  (r 1101-1126) en ait particulièrement apprécié leur couverte douce et nuageuse au point que certains spécialistes ont pu avancer l’hypothèse d’une délocalisation et d’une installation des fours au cœur du palais impérial de Kaifeng ! D’autres céramiques telles que les grès de Jun, à couverte lumineuse bleu lavande souvent enrichie de tâches pourpres abstraites, seront présentes également à la cour. À ces pièces aristocratiques s’oppose un autre groupe plus populaire principalement issu des fours de Cizhou. Ces grès, généralement recouverts d’engobe blanc, sont agrémentés de motifs végétaux ou animaliers traités en relief champlevé ou plus tard peints au moyen d’un engobe brun. Ils doivent également leur renommée aux représentations de fleurs et d’oiseaux ou de paysages hérités des traditions de la peinture académique des Song. Enfin signalons que les premiers décors d’émaux polychromes apparaîtront dans ce groupe et seront appelés près de trois siècles plus tard, sous la dynastie des Ming puis des Qing, à connaître un grand développement.

La défaite des armées Song face aux envahisseurs Jurchen venus du Nord marque un tournant dans l’histoire de l’Asie orientale. À nouveau le sol chinois est occupé par des confédérations étrangères. Elles investissent la partie septentrionale du pays, et fondent la dynastie des Jin (1115-1234). La cour des Song n’ayant trouvé de salut que dans la fuite, s’installe à Hangzhou, dans la province méridionale du Zhejiang et règne sur tout le sud du pays sous le nom de dynastie des Song du Sud  (1127-1279). Dorénavant les commandes officielles procèdent des fours du sud. Du fait de la spécificité des terres apparaissent de nouveaux types de céramiques. Certains d’entre eux, comme les céladon guan, successeurs des ru, sont destinés à la cour. Leur couverte bleu pâle, à la fois épaisse et parcourue d’un réseau dense de craquelures rivalise avec l’épiderme du jade. Dans les fours des céladons de Longquan, les grès à couverte opaque revêtent des tonalités bleu-vert, qui empruntent souvent leurs formes au répertoire des bronzes antiques. Il faut encore mentionner les céramiques de Jingdezhen, et en particulier les fameux qingbai, « blanc-bleu » dont la composition est proche des premières porcelaines, en dépit de leur couverte translucide le plus souvent d’un bleu très pâle nappé sur un décor incisé et plus tard moulé. Ce centre est appelé à connaître un grand développement à partir de la dynastie suivante des Yuan (1279-1368).