Jean-Paul Desroches avec la collaboration de Huei-chung Tsao et Xavier Besse
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Dans l’atelier du potier La pose du décor

La pose du décor

À l’instar des étapes conduisant à l’élaboration de la forme, la décoration d’une pièce résulte du travail de mains différentes. À Jingdezhen, les peintres sont effectivement spécialisés dans une gamme de motifs donnée et l’ornementation complète d’une pièce procède d’un travail d’équipe composée de professionnels habiles et travaillant vite, dans le but de produire davantage. Ce système est mis en place à partir du xive siècle quand les besoins du marché imposent des cadences améliorées. Par exemple pour le motif peint au bleu de cobalt, un spécialiste est chargé des filets, un autre des contours, un troisième des lavis, le dernier calligraphie les inscriptions. Ainsi chaque élément du décor, dans une composition est le fait d’une main différente spécialisée. La marge d’interprétation reste très limitée dans la mesure où le travail doit être parfaitement intégré, un maître d’œuvre veillant à l’harmonie générale.

Le décor incisé

Cette technique appliquée à cru est exécutée sur une argile sèche, mais encore malléable, à l’aide d’outils en bambou coupants aux deux extrémités. Ces décors peuvent être profonds, tel est le cas des céladons song de Yaozhou ou subtils dits anhua, une innovation apparaissant sur les monochromes ming de Jingdezhen. Les artisans utilisent également des peignes afin de renforcer l’effet produit par les incisions, pratique en usage courant à partir des Song dans les grands centres tels Yaozhou, Dingyao, Jingdezhen, etc.

Le décor en impression

Le décor est souvent moulé à l’intérieur des plats et des bols. Pour ce faire après avoir monté la pièce au tour et l’avoir laissé sécher, on aura recours à deux techniques. L’objet peut être comprimé sur un moule portant un décor en creux ou en relief. Pour réaliser cette opération, on utilisera un tour lancé à grande vitesse, tout en prenant soin d’employer un moule suffisamment poreux de façon à ce que l’argile humide soit absorbée légèrement et révèle tous les détails. Cependant afin de pouvoir décoller l’œuvre sans dommages on devra veiller à ce que le moule ne soit pas trop poreux. On peut également recourir à d’autres outils comme des roulettes ou des blocs qui permettent de créer des registres géométriques et répétitifs.

Le décor moulé rapporté

Sur de nombreux vases, verseuses et bouteilles figurent des ornementations qui ont été rapportées après le façonnage de la forme générale de la pièce. Celles-ci ont été préalablement moulées, puis collées à la barbotine après séchage.

Le décor peint sous couverte

Les potiers fabriquent eux-mêmes les pinceaux qui leur serviront à poser les pigments. Ils utilisent des poils de blaireaux, de chat, de cerf ou de chien. Les pinceaux longs et effilés servent à tracer les contours, et les pinceaux plus épais, les lavis.

Les pigments en usage dans l’Antiquité pour les décors sous couverte dérivent principalement du brun de fer, jusqu’à l’introduction du bleu de cobalt, du vert de cuivre et du rouge de cuivre. Le bleu de cobalt est principalement une couleur d’importation qui arrive d’Iran sous la forme de briquettes par la Route de la soie. Son emploi sous couverte reste très exceptionnel sous les Tang et ne se répandra réellement qu’à partir des Yuan, un succès qui ne fera que se renforcer sous les Ming. En effet il est l’un des rares pigments qui résiste aux hautes températures. Pour être utilisé, il doit être broyé, réduit en poudre fine puis délayé avec du thé. Il est ensuite appliqué au pinceau sur le kaolin cru, une phase délicate du fait de la porosité du corps qui absorbe immédiatement le pigment et n’autorise aucun repentir. Cette technique n’est pas sans rappeler les lavis d’encres, qui exigent une grande dextérité dans l’exécution. Les retours du pinceau sont à éviter car ils forment des surcharges qui éclateront à la cuisson, occasionnant des taches noirâtres en surface.

Le vert de cuivre et le rouge de cuivre procèdent d’une technique semblable au bleu de cobalt. Le vert de cuivre est cuit en oxydation alors que le rouge est cuit en réduction. Dans ce dernier cas l’oxyde de cuivre devient très volatile et le rouge vire fréquemment au gris ce qui constitue une difficulté majeure de ce groupe. Les causes peuvent être multiples, température trop élevée, cuisson trop longue, ou couverte trop fine. Ce phénomène est particulièrement fréquent sur la partie supérieure des pièces lorsque la couverte coule en cours de cuisson.

Le décor peint sur couverte

La peinture des émaux nécessite l’emploi de nombreux ouvriers avec chacun une tâche précise depuis le délayage jusqu’à l’application du décor. Elle se déroule dans un atelier à part et gardé en raison du prix élevé des oxydes métalliques utilisés pour les pigments. La base des émaux constituée de glaçures plombifères ou plus rarement de quartz riche en silice colorée à l’aide de quatre oxydes principaux. Il s’agit de l’oxyde de fer pour le rouge et le jaune, de l ’oxyde de cuivre pour le vert, de l’oxyde de cobalt pour le bleu et de l’oxyde de manganèse pour l’aubergine. Contrairement aux décors sous couverte, appliqués sur un corps poreux, les émaux sont posés sur une couverte lisse. Cette technique plus aisée permet à l’artisan de modifier à sa guise le dessin de l’esquisse, l’assemblage des éléments formant le sujet, et les éventuelles retouches des couleurs. Ces émaux cuits à 800°C, température beaucoup moins élevée que les couleurs sous couverte les rend éminemment fragiles.