Jean-Paul Desroches avec la collaboration de Huei-chung Tsao et Xavier Besse
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Dans l’atelier du potier Les fours

Les fours

Le four a pour fonction de chasser totalement l’eau des différents matériaux qui composent une céramique et de fondre ensemble les différentes composantes. Les fours varient en fonction de l’espace et du temps.

Les types de fours

Fours du Nord et du Sud sous les Tang et les Song

Les fours utilisés en Chine septentrionale sont appelés mantouyao c’est à dire « fours en forme de pain rond » en raison de leur chambre de cuisson en dôme. Ce type très ancien semble avoir été utilisé dès le xviiie siècle avant notre ère et s’est révélé particulièrement efficace. La chambre de cuisson est située partiellement sous le niveau du sol, entre le foyer enterré, et la cheminée. Un muret sépare la chambre de cuisson du foyer. Ce type de four dont les parois sont généralement en briques réfractaires, permet d’atteindre une température de 1350°C. Le contrôle de l’atmosphère réductrice ou oxydante est aisée, toutefois, les temps de chauffe et de refroidissement sont très longs en raison de la faible capacité de la chambre de combustion. Les mantouyao sont notamment en usage sous les Song, pour produire les céramiques de Yaozhou, de Ding, de Xing, de Jun, et de Ru.

En Chine méridionale on trouve les longyao, littéralement les "fours dragon" apparus dès l’époque des Royaumes combattants. Ils revêtent la forme d’un tunnel sensé s’apparenter à la morphologie d’un dragon. Construits à flanc de montagne, ils possèdent une grande chambre de cuisson légèrement montante favorisant le tirage, et qui s’achève par une cheminée, disposition particulièrement efficace pour obtenir de hautes températures. Les pièces sont posées sur la sole du four préalablement revêtue d’une couche de sable ou de quartz pilé et en épouse les dénivellations. Tout au long du tunnel, sont pratiquées des fenêtres d’alimentation qui permettent d’entretenir des foyers latéraux jouxtant la chambre de cuisson. Ces aménagements contribuent à atteindre rapidement des températures élevées, mais peuvent à l’inverse être convertis en vantaux d’aération pour les faire chuter. Toutefois ils présentent un inconvénient majeur, en effet la multiplication de ces ouvertures rend le contrôle de l’atmosphère oxydante ou réductrice difficilement contrôlable. Ces longyao peuvent mesurer de 60 à 100 mètres de long et posséder plusieurs chambres de cuisson, permettant l’enfournement de milliers de pièces en une seule fois. Ils sont particulièrement adaptés à certaines catégories de céramiques notamment les céladons de Longquan, qui exigent une cuisson rapide, et dont la large diffusion nécessite d’importantes capacités de production. Eu égard à leurs dimensions ils réclament quantité de bois et vont contribuer à une déforestation considérable, néanmoins ils restent en usage aujourd’hui.

Les innovations sous les Ming

À partir du xive siècle et tout au long de la dynastie des Ming (1368-1644) est employé à Jingdezhen le four en forme de gourde ou guayao dont la chambre de cuisson spacieuse et haute en partie frontale se rétrécit et s’abaisse à l’arrière. Ce four permet de cuire les porcelaines à 1300°C. Cette opération n’excède pas 48 heures. En général, la durée totale de la cuisson oscille entre six et sept jours, si on inclut les périodes de préchauffe et de refroidissement. Cette évaluation s’applique à la cuisson de petites pièces alors que pour les grandes elle peut atteindre neuf ou dix jours.

À la fin du xvie siècle, apparaît le jidanyao ou « four en forme d’œuf » une invention autorisant un meilleur contrôle des températures ainsi qu’une cuisson plus rapide et plus régulière favorisée par la construction d’une haute cheminée qui augmente le tirage et réduit le temps de cuisson à trente-six heures entraînant une consommation moindre de combustible. Ces fours prennent souvent le relais des « fours dragons » pour faire face alors aux importantes commandes destinées à l’exportation. Leur rendement est optimisé par une meilleure étanchéité obtenue grâce à une paroi isolatrice composée de sable, de cendre et de paille mêlée. Comme pour les fours plus anciens, sur la sole, est posée une couche de sable épaisse et la chambre de cuisson est séparée du foyer par un muret. Son alimentation a lieu par des ouvertures percées dans la porte. Quant à la chambre de cuisson, elle comporte des fenêtres permettant de surveiller le déroulement des opérations. D’autre part, sur le dôme des trous sont pratiqués. Ils peuvent être ouverts ou fermés pour contrôler l’entrée de l’oxygène nécessaire à la cuisson en réduction.

Les innovations sous les Qing

Sous les Qing, les fours jidanyao continuent à être utilisés. Leurs dimensions vont doubler en deux siècles passant de sept à quatorze mètres de longueur et de trois à six mètres en hauteur.
Autre amélioration, un meilleur contrôle de la température et de l’atmosphère à l’intérieur de la chambre de cuisson, de façon très localisée, permet dorénavant d’obtenir des revêtements et des décors variés au cours d’une même cuisson.

Le four à feu de moufle

Sur un corps cuit à haute température, on pourra appliquer des émaux à feu de moufle dans un second temps. Pour ce faire on aura recours à un four spécifique qui comporte une chambre intérieure dite « moufle » afin de protéger les objets du contact direct de la flamme. Cette chambre a été décrite par le père d’Entrecolles qui séjourna à Jingdezhen au début du xviiie siècle et qui, selon lui, revêt la capacité d’un tonneau de vin. Elle peut-être en fer ou en brique, chauffée de façon homogène jusqu’à une température de 800°C. Ce type de four est utilisé pour tous les décors d’émaux en particulier les sancai ou « Trois couleurs », les wucai ou « Cinq couleurs », les Famille verte et les Famille rose. Certaines pièces au décor complexe nécessitent plusieurs passages à feu de moufle.

L’empilement des pièces dans le four

Les casettes contenant les pièces à cuire sont empilées par taille, les plus grandes d’abord, les petites étant placées dans les espaces intermédiaires laissés vides. Le remplissage de la chambre de cuisson se déroule selon deux modes suivant la nature des commandes. Dans les fours appointés par la cour, le rang de casettes le plus proche de la chambre de chauffe est laissé vide de manière à créer un écran protecteur. Les deuxième et troisième rangs accueillent, quant à eux, les oeuvres de qualité moyenne alors que les meilleures pièces sont disposées dans les quatrième, cinquième et sixième rangs. Au fond sont placées les produits plus modestes. Par contre, dans les fours travaillant pour le marché privé, tous les rangs sont occupés, y compris les plus exposés à la chaleur.

Le second critère de remplissage a trait à la nature des pièces elles-mêmes. Les céramiques à décor craquelé seront disposées le plus près du foyer, ensuite viendront les céladons et les monochromes rouges sous couverte cuits en réduction. Le centre de la chambre convient aux monochromes blancs, aux monochromes bleu sous couverte ainsi qu’aux bleu-et-blanc. Quant à l’arrière, il accueille les céramiques à glaçure, ainsi que les pièces cuites dans une atmosphère oxydante obtenue en ouvrant les ventaux situés sur la partie arrière du fours.

Le matériel à l’intérieur du four

Les casettes

Les casettes sont des boîtes en argile réfractaire disposées dans la chambre de cuisson et destinées à protéger les céramiques du contact de la flamme et des cendres en suspension. Elles sont posées sur le sable répandu sur la sole du four et empilées jusqu’à former de véritables murs. Plusieurs bols peuvent être cuits à l’intérieur d’une seule et même casette. Toutefois, l’un des soucis majeurs du potier est de faire en sorte que la pièce n’adhère à la casette lors de la cuisson. Il posera donc les objets sur des galettes intermédiaires ou des pernettes.

Les pernettes

Les pernettes sont des pièces céramiques ou métalliques de forme circulaire ou triangulaire, présentant de petits éperons dressés sur lesquels repose l’objet à cuire. Ces points de contact minimum permettent de réduire la surface d’appui et donc d’enduire entièrement l’oeuvre de couverte. Les marques de ces pernettes restent visibles en particulier sur les Ru, les Guan et les Jun.

Le combustible

A compter des Song, le Nord de la Chine utilise en général le charbon et le Sud, le bois. À Jingdezhen en Chine méridionale, sous les Ming, le combustible principal reste le pin. Il permet d’obtenir les meilleures flammes alors qu’avec le charbon la porcelaine a tendance à perdre sa teinte immaculée. À partir des Qing, à Jingdezhen, se pose le problème du ravitaillement en bois du fait de la déforestation intense des collines avoisinantes.