Jean-Paul Desroches avec la collaboration de Huei-chung Tsao et Xavier Besse
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Évolution des styles Les Tang (618-906)

Les Tang (618-906)

Amphore à anses dragons, dynastie Tang, G 5002 © Musée Guimet, Paris, Distr. Rmn / Image Guimet

Avec la dynastie des Tang, la Chine se tourne résolument vers l’Ouest. Au cours de la première moitié du viie, elle accueille l’Occident sassanide en la personne du fils de son roi déchu chassé d’Iran par les Arabes. Ce dernier trouve refuge à Chang’an auprès de l’empereur Taizong (r. 626-649), La nouvelle histoire des Tang affirme même qu’ils reçut la permission d’y bâtir un temple de sa religion. Cette première période caractérisée par une volonté d’ouverture et de tolérance eut des répercutions considérables sur la culture chinoise engendrant un important trafic sur la Route de la soie. L’Empire était au zénith de sa puissance, avec comme capitale Chang’an, la ville la plus cosmopolite du moment. Les denrées rares ou exotiques parvenaient en nombre sur ses marchés.

Cette ouverture ne fut pas sans conséquences sur les arts du feu, jamais la céramique chinoise ne fut autant influencée par les techniques et les décors venus de l’Ouest. Cette période correspond à l’apogée des glaçures plombifères, les sancai, une gamme fondée sur trois couleurs lumineuses à base d’oxydes métalliques, le jaune, le vert et le bleu. La vigueur des contrastes alliée à l’ingéniosité des innovations rompent avec les traditions antérieures. En effet à cette époque les morphologies procèdent souvent d’un assemblage architectonique d’éléments clairement distincts, qu’il s’agisse de la statuaire funéraire polychrome ou des objets d’usage comme les aiguières, les amphores, les rhytons, les plats, autant d’œuvres qui témoignent de l’empreinte occidentale… Souvent le langage des formes s’apparente à celui de l’argenterie, de même que le vocabulaire décoratif puise son inspiration dans les arts du métal, frises de perles, rosaces, palmettes ou encore têtes de phénix inspirés des griffons venus d’Iran. Toutefois les potiers n’occupent pas encore l’avant-scène, orfèvres, ciseleurs ou laqueurs demeurent les principaux fournisseurs des palais, la céramique reste soumise aux orientations esthétiques des créateurs des objets de grand luxe.

À la suite de la rébellion d’An Lushan en 755, qui avait mis en péril le pouvoir central, l’hégémonie des Tang entre dans une période de replis qui ne fera que s’accentuer jusqu’à sa chute en 907. Le luxe est en déclin, le pays a tendance à se fermer aux créations étrangères et à renouer avec les valeurs traditionnelles. Aux métaux précieux sont substituées les répliques céramiques ce qui a pour effet de stimuler l’innovation et de promouvoir le statut des potiers. De simples imitateurs, ils vont devenir de véritables créateurs. La poterie sancai est délaissée au profit des grès et bientôt de la porcelaine. Aux décors exubérants succède un art austère qui fait la part belle aux monochromes. En effet la quête d’une argile au blanc pur, destinée à rivaliser avec l’éclat de l’argent, la perfection du jade et la douceur du laque allait bientôt connaître ses premiers succès avec la véritable naissance à la fin du viiie de la porcelaine dans les fours de Gongxian, de Xing et de Ding. Prisées par la cour, ces monochromes blancs remplaceront les pièces métalliques. Faisant l’objet d’éloges de la part des amateurs de thé, ils rivalisent avec les qualités tactiles des grès à couverte céladon de Yue appelés miseyao ou « Couleurs secrètes ». Ces recherches mèneront naturellement l’art de la céramique sur la voie d’un esthétisme épuré qui va s’épanouir à partir des Cinq Dynasties (907-960) et des Song (960-1279).